LE RETOUR D'ASCENSEUR: Suis-je égoïste"

Publié le par Max-Emilien Robichaud

Le retour d’ascenseur : Suis-je égoïste oui ou non?

Enfant égoïste?

L’êtes-vous, égoïste, vous? Moi,  en tout cas, je l’ai été  et peut-être même encore aujourd’hui. Rappelons-nous, enfant et imaginons-nous, bébé. Que faisions-nous? En fait, tout bébé demande sans cesse et toujours pour être nourri, servi, diverti;  il demande et que donne-t-il en retour? Ah oui, il offre parfois un sourire, une mimique, un premier pas; mais est-ce vraiment un sourire accordé au patent ou  encore marche-t-il  pour lui ou pour ses parents? Ne marche-t-il pas pour lui-même? N’est-ce pas là un comportement plutôt centré sur sa personne et qui oserait dire que cet enfant est égoïste? S’il l’était, nous dirions que c’est dans la normale des choses, dans le développement humain habituel. Mais vu d’un angle totalement objectif, il reste que ce comportement s’avère égocentrique, centré totalement sur soi. Et nous, adultes, agissons-nous différemment, sommes-nous aussi centrés sur nous plus que sur les autres? Et lorsque nous donnons, le faisons-nous sans attente aucune ou par intérêt, par obligation ou par convention sociale?

Donner avec quelles motivations?

Je remarque lorsque je vais voir un ami, oui, j’ai plaisir à le rencontrer. Je peux même lui offrir le repas, mais vais-je calculer pour établir si c’est bien mon tour. Normal, diriez-vous! Voyons une autre situation : « Ah chérie, ce n’est pas notre tour de recevoir nos amis ce soir; même que nous sommes déficitaires »! Elle pourrait me rétorquer : « Oui peut-être, mais si cela convenait  mieux, pourquoi pas, puisque je tiens à les voir maintenant et ils sont dans tout le tralala du déménagement ». Cette dernière  serait, dirions-nous, plus altruiste, plus gratuite dans son don que son conjoint, n’est-ce pas?  C’est en lisant « La voie du Cœur » d’Arnaud Desjardins[1] que j’ai vraiment réalisé dans quelle mesure mes actions étaient rarement tout à fait gratuites. Toute une prise de conscience! Et le bénévolat, lui,  est-il  toujours un geste gratuit?

Le bénévolat, les dons…

Ainsi, combien font du bénévolat dans notre société? Beaucoup, beaucoup même! Et  encore plus qui donne des sous à différents organismes de bienfaisance? Ou qui se démènent pour ses proches et autres? Oui, beaucoup, beaucoup. Moi, oui j’ai  aussi fait beaucoup de bénévolat dans ma vie, mais je m’empressais aussitôt d’y mettre mon CV à jour. Normal, diriez-vous encore! Certes, les services que j’ai rendus l’ont bien été. Mais il reste que mon bénévolat servait bien mes intérêts personnels et professionnels, n’est-ce pas?  Voyez  j’ai été Directeur d’une Campagne Centraide. D'ailleurs, les compagnies pratiquent désormais le « marketing social » et les gens dans le besoin ne s’en plaignent guère. Mais là n’est pas la question. C’est plutôt le fait d’examiner et de sonder vraiment son cœur et ses reins pour y reconnaître les vraies motivations de nos actions supposément altruistes autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Il s’agit tout simplement de voir la vérité en face et non de vivre dans l’illusion ou même dans l’inconscience. Eh oui, nous donnons des sous et nous aidons celui-ci ou celle-là! Pour se faire une bonne conscience peut-être ou de façon inconditionnelle? Il importe de le reconnaître. Agissons-nous sans attente, même pas un retour d’impôt. Mais le plus important et le plus révélateur pour moi demeurent les relations plus personnelles. Quelles sont nos motivations profondes de nos gestes? « Oh chérie, que tu es belle ce soir et si attirante »! Est-ce tout à fait gratuit? Pas toujours n’est-ce pas? Et nous entendons souvent comme le paraphrase  si bien Arnaud Desjardins[2] et bien d’autres par ailleurs ce genre de réflexion familière  « Ah, ces enfants sont si ingrats  après tout ce que je leur ai donné ». Mais est-ce que j’ai donné à mes enfants par intérêt, par obligation, par convention sociale par devoir ou mon bâton de vieillesse ? Voilà la vraie question qui tue!

Recevoir à tout prix?

Oui, les humains veulent recevoir parfois même sans avoir donné comme le dit si bien Arnaud Desjardins. C’est bien le cas de tous les enfants du monde qui ne font que demander et à qui les parents apprennent à donner, eux aussi, pour recevoir bien sûr. Ainsi, l’enfant réalise qu’il pourra recevoir d’autant qu’il est gentil avec ses parents, ses frères et ses sœurs. Autrement il sera privé de ceci ou de cela. Nous voyons bien sa motivation intrinsèque même qu’il apprend à calculer ou même à manipuler parfois  ou encore tout au moins à agir avec perspicacité et intelligence. Plus tard, ce sont les résultats scolaires qui font force de loi; c’est de bon aloi diriez-vous pour ne pas dire de bonne guerre! « Eh bien, mon fils, voilà une belle bicyclette pour te récompenser de tes bons résultats scolaires » va dire le parent. E l’ado, lui,  sera tout heureux et avec raison, d’autant qu’il a bien l’impression de l’avoir  méritée; ce qui est tout à fait correct. Mais est-ce là  la seule base de nos comportements, même les plus personnels?

Ainsi sans trop sans rendre compte, nous calculons souvent les retours d’ascenseurs pour évaluer si nous avons été gagnants au change. « Eh il me semble que je suis perdant dans ces échanges amicaux » pourrait-on dire et c’est peut-être vrai par ailleurs. L’expression anglaise « What’s in it for me? » traduit bien cet état d’esprit. C’est dire que chaque geste, chaque action, chaque écoute demande ou commande un retour pour soi. C’est dire que nous devons et voulons recevoir à tout prix et cela semble être la base fondamentale de nos relations. Le savions-nous ou sommes-nous aveuglés par le train-train quotidien. Mais alors même lorsque nous recevons, nous pouvons être soit déçus, soit insatisfaits, soit même frustrés; avec la sensation de ne pas avoir reçu, du moins, pas ce que nous attendions.  Ce n’était pas pour nous  le bon ascenseur et nous n’y sommes pas montés.

L’autre a-t-il  vraiment bien reçu?

Combien de fois en fait avons-nous  l’impression de ne pas avoir reçu? « Ingrate, après tout ce que je t’ai donné en cadeaux de toute sorte », déplore le conjoint. Et l’autre de répondre « C’est du temps, de la reconnaissance, de la tendresse et de l’amour que je voulais de toi et non ton argent » de lui rétorquer l’autre. Et inversement, celui-ci pourrait dire : « Je n’ai reçu de toi que des mots et du temps, mais pas de véritables  cadeaux ». Ainsi, chacun a bien reçu quelque chose, mais pas ce qu’il ou elle espérait. Dans un sens, personne n’a vraiment reçu même si l’un et l’autre sont convaincus du contraire. C’est ici qu’Arnaud Desjardins m’a vraiment touché même si je connaissais déjà ce phénomène, mais je ne l’avais pas vraiment totalement intégré. Imaginez-vous entendre ce genre de dialogue : celui-ci interrogeant celle-là à propos de cela et d’entendre la réponse « Non ce n’est pas ce que je souhaitais, je ne suis pas satisfaite ». Il faut savoir donner non pas ce qui nous ferait plaisir d’offrir, mais ce qui convient à l’autre, car autrement, il y a don, mais pas réception réelle. Bien sûr, il peut y avoir coïncidence entre les deux mais pas toujours. En fait il faut sortir de son moi, de son égo, de ses préférences et choix personnels, être à l’écoute de l’autre pour bien le saisir. Et si l’autre a bien reçu, est-ce que cela nous comble sans plus? Car il arrive que nous anticipions soit un retour semblable soit simplement un merci soit toute  autre marque de reconnaissance à notre égard.

Donner sans attente?

Voyez l’invité qui arrive à ce repas amical avec sa bouteille de vin. Il agit ici selon un code social bien connu et tout a fait légitime. Il se sent plus à l’aise et non en déficit ou en déséquilibre même si le repas en coûte bien davantage. Il sait qu’il devra de toute façon rendre la pareille d’ici peu. Du « Give and take » en quelque sorte bien  équilibré.  Mais le vin :  blanc ou rouge, de quelle  valeur et quelle qualité? Il sera plus ou moins apprécié par ses amis et le lui diront-ils? Sans doute un merci plus ou moins sincère et lui, attend-il ce merci?  Sommes-nous dans ce genre de conventions sociales? Nous sommes loin ici du don inconditionnel! Tout semble ici plutôt bien calculé et bien orchestré. Mais il est possible de vivre selon ces conventions et demeurer intègres et désintéressés du résultat. Ainsi dans cet exemple, l’hôtesse accepte chaleureusement le vin et offre son repas sans attente aucune, car c’est la seule présence de l’autre qui la récompense. Elle accepte la convention, mais la contrepartie vinicole ne lui importe guère bien qu’elle en soit reconnaissante et l’exprime sincèrement. Mais bien des adultes continuent à agir comme les enfants qui se pressent auprès de leurs parents pour recevoir leurs cadeaux, mérités ou non, car cela leur est dû. Enfants pour toujours qui ne veulent que recevoir ou qui donnent que pour recevoir. Leur moi reste prioritaire et reste surtout  très petit.

Moi qui deviendrai grand!

Les enfants veulent certes recevoir, mais ils veulent surtout grandir pour accéder aux soi-disant privilèges adultes : se coucher plus tard, regarder certains films interdits, travailler pour faire de l’argent, sortir et tout le reste! Ils construisent peu à peu leur personnalité, leur moi au fil des ans jusqu'à devenir adultes, du moins physiquement. Car beaucoup d’adultes se comportent comme  de grands  enfants. Leur moi reste plutôt petit centré d’abord sur leur propre personne et ensuite sur leur tout petit monde. Bien sûr, ils vont se préoccuper de leurs conjoints, leurs  enfants et amis, mais pour un retour d’ascenseur alors que le voisin et les autres ne sont pas intégrés  dans ce cercle restreint. 

Normalement, l’enfant est appelé par ses parents à agrandir graduellement son cercle du moi : « Allez prête ton jouet à ton frère » de dire la mère à son fils et ensuite « à ton ami et enfin à ton petit voisin ». Ainsi, il prend conscience du monde dans lequel il évolue et qu’il apprend à respecter, considérer et même aimer de plus en plus de personnes comme ses frères humains. Mais ici encore, c’est plutôt restrictif et conditionnel. Ah oui peut-être les voisins immédiats  mais pas davantage et nous sommes ici loin de la conscience planétaire; il y a aussi toutes les différences culturelles, religieuses, raciales et autres. Je me souviens que dans mon village conditionné par la culture locale, je ne parlais guère à certains d’autant s’ils étaient d’une autre dénomination religieuse; ce que ne manquait pas de nous rappeler le curé en chaire. Mais quelques-uns s’étaient convertis  et bien sûr je les considérais comme frères dans le Christ qui, lui avait pourtant voulu élargir les frontières de ce petit moi. Souvenez-vous de la réaction de surprise- mépris  de ses disciples lorsqu’il adressait la parole à certaines personnes marginalisées ou rejetées.

Égoïste ou altruiste

À tout considérer, j’ai plutôt été égoïste dans ma vie que le contraire; ce que j’ai cherché à changer. En effet, je crois sincèrement que cette autre  attitude altruiste enrichit et embellit davantage  ma vie. Eh oui, c’est bon pour moi comme quoi c’est  encore là mon retour d’ascenseur. Nous n’en sortons guère de notre moi qui, veut, veut pas, recherche toujours sa récompense même si elle est la satisfaction d’avoir donné. Certains disent même que les plus grands donneurs, les plus charitables le sont pour vivre cette sensation extraordinaire de donner que même les scientifiques ont confirmée; en effet, ceux qui donnent vivent des décharges hormonales bienfaisantes du genre endorphines; c’est semble-t-il leur propre retour d’ascenseur. Alors, donnons, donnons et nous vivrons mieux plus heureux et peut-être plus vieux. Et s’il n’y avait pas d’ascenseur, nous pourrions toujours emprunter l’escalier.

Max-Émilien Robichaud

Thérapeute psychocorporel

Centre Osmose

514-648-7777/info@centreosmose.com

 

Bibliographie

Arnaud Desjardins, Les Chemins de la Sagesse (Tomes I,II,III), Paris, La Table ronde, 1968, 1970 et 1972

Idem, Le Védanta et l'Inconscient, À la Recherche du Soi II, Paris, La Table ronde, 1979

Idem, Pour une Vie Réussie, un Amour Réussi, Paris, La Table ronde, 1985

 Idem, La Voie du Cœur, Paris, La Table ronde, 1987

 Idem, L'Audace de Vivre, Paris, La Table ronde, 1989

Idem, Arnaud Desjardins au Québec, Montréal, Stanke, 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Arnaud DESJARDINS, La voie du cœur, Paris, La Table ronde, 1987

[2] Ibidem

 

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